Que faire ?
Cet après-midi, j'ai eu deux nouvelles petites filles en cours de soutien, en plus de Kendra et Lewechi. Nous avons lu une histoire sur les animaux de la savane, dans laquelle on manipule également les nombres de 1 à 10 (le seul livre potable que j'ai trouvé à la bibliothèque). J'avais prévu quelques petits exercices dans lesquels il fallait reconnaître les noms des animaux, les écrire puis travailler sur les nombres. A chaque ligne d'écriture faite par les enfants, je mettais une appréciation au stylo rouge et les encourageais à écrire sur la ligne ou à mieux former certaines lettres.
D'habitude, les enfants apprécient cette heure du vendredi. Bien que peu élaborée sur le plan pédagogique, elle leur permet de s'entraîner à la lecture, l'écriture et le calcul de façon ludique. Ce sont eux qui me réclament de petites dictées, qui veulent écrire les noms des objets qu'ils dessinent, etc ...
Mais cette fois-ci, une des petites nouvelles s'est complètement braquée en milieu de séance car je ne lui avais pas encore mis de TB pour ses lignes d'écriture. Elle gardait les yeux baissés et des larmes silencieuses lui coulaient sur les joues. J'avais beau lui expliquer que ce n'était pas grave, que ça ne comptait pas, que c'était pour l'aider seulement et qu'elle ferait mieux la prochaine fois ... rien à faire. Je sentais confusément de la peur dans son attitude mais je ne comprenais pas ce que j'avais pu faire ou dire de si terrible (j'avais bien mis un AB à Kendra, mais elle était toujours aussi joyeuse et remuante que d'habitude, elle ...) et la petite restait muette.
L'heure de la récré a sonné peu après que la petite ait repris un peu tristement le coloriage des animaux de la savane. Comme il ne restait plus qu'elle dans la salle de classe et que je lui disait qu'elle pourrait terminer chez elle, elle m'a avoué d'une toute petite voix que sa maman la battrait si elle ramenait une mauvaise note.
Ma première (et détestable) réaction a été l'incrédulité. Comment, dans ma grande naïveté de blanche-à -qui-sourit-la-vie, pouvais-je croire que des parents battent leurs enfants ? Sûrement, elle faisait un peu de cinéma pour avoir ce fameux TB ... Je lui ai même demandé des détails pour évaluer le problème : elle te tape où ? elle te donne des petites tapes ou elle te fait très mal ? tu peux me montrer tes bleus ? Quand j'y repense, j'en ai super honte. Quand un enfant dit une chose pareille, il faut le croire, c'est tout !
Ne sachant que faire pour la consoler et la rassurer, je lui ai dit que je gardais sa feuille d'écriture. Comme ça, elle n'aurait pas à la montrer à ses parents et ils ne se fâcheraient pas contre elle. J'ai tenté un peu maladroitement de lui faire un câlin et puis nous sommes sorties. Là, j'ai pu discuter avec la maîtresse, qui était au courant de la situation et avait déjà eu une discussion avec la mère. A ce que j'ai compris (corrigez-moi si je me trompe), il est courant dans les écoles privées gabonaises de corriger les élèves et certains parents sont d'accord avec ces méthodes d'éducation. Ce n'est pas la façon de faire de la maîtresse, qui a tenté d'expliquer à la maman de la petite que les enfants ne peuvent pas apprendre dans la peur. Cela n'a pas suffit, apparemment.
Le Gabon a signé la Convention des Droits de l'Enfant en 1994. Dans l'article 19, il est dit que l'Etat doit protéger l'enfant contre toute forme de violence et de brutalités physique ou mentale. Je suis allée sur le site officiel du Gabon ce soir, en cherchant des réponses, pour savoir vers qui me tourner, savoir quoi faire pour soulager ma petite élève. Je n'ai rien trouvé.
Sur le chemin du retour, j'ai revu en pensée tous ces enfants qui mendient quelques pièces ou un croissant à la sortie des supérettes de POG, ceux qui passent leur journée à guider un oncle aveugle au lieu d'aller en cours, ces filles qui m'ont confié devoir faire toutes les tâches ménagères à la maison ... Qu'est-ce que cela cache réellement ? Combien d'enfants sont concernés par la maltraitance ici ? Y'a-t-il des associations qui peuvent les aider comme en France La voix de l'enfant ou L'enfant bleu ? Un numéro spécial comme le 119 français ?
J'ai aussi réalisé à quel point je prenais un peu trop cette heure du vendredi à la légère. Peut-être qu'avec des exercices plus adaptés, ma petite élève pourrait faire de réels progrès et éviterait ainsi les coups ?
Avant que je ne parte, elle est encore revenue me voir. Nous sommes restées un moment l'une à côté de l'autre. Elle m'appelant au secours sans un mot, et moi parlant et parlant sans cesse, essayant de la rassurer, de lui poser des questions sur ses amies pour lui changer les idées ... Mais qu'y avait-il à dire ?
D'habitude, les enfants apprécient cette heure du vendredi. Bien que peu élaborée sur le plan pédagogique, elle leur permet de s'entraîner à la lecture, l'écriture et le calcul de façon ludique. Ce sont eux qui me réclament de petites dictées, qui veulent écrire les noms des objets qu'ils dessinent, etc ...
Mais cette fois-ci, une des petites nouvelles s'est complètement braquée en milieu de séance car je ne lui avais pas encore mis de TB pour ses lignes d'écriture. Elle gardait les yeux baissés et des larmes silencieuses lui coulaient sur les joues. J'avais beau lui expliquer que ce n'était pas grave, que ça ne comptait pas, que c'était pour l'aider seulement et qu'elle ferait mieux la prochaine fois ... rien à faire. Je sentais confusément de la peur dans son attitude mais je ne comprenais pas ce que j'avais pu faire ou dire de si terrible (j'avais bien mis un AB à Kendra, mais elle était toujours aussi joyeuse et remuante que d'habitude, elle ...) et la petite restait muette.
L'heure de la récré a sonné peu après que la petite ait repris un peu tristement le coloriage des animaux de la savane. Comme il ne restait plus qu'elle dans la salle de classe et que je lui disait qu'elle pourrait terminer chez elle, elle m'a avoué d'une toute petite voix que sa maman la battrait si elle ramenait une mauvaise note.
Ma première (et détestable) réaction a été l'incrédulité. Comment, dans ma grande naïveté de blanche-à -qui-sourit-la-vie, pouvais-je croire que des parents battent leurs enfants ? Sûrement, elle faisait un peu de cinéma pour avoir ce fameux TB ... Je lui ai même demandé des détails pour évaluer le problème : elle te tape où ? elle te donne des petites tapes ou elle te fait très mal ? tu peux me montrer tes bleus ? Quand j'y repense, j'en ai super honte. Quand un enfant dit une chose pareille, il faut le croire, c'est tout !
Ne sachant que faire pour la consoler et la rassurer, je lui ai dit que je gardais sa feuille d'écriture. Comme ça, elle n'aurait pas à la montrer à ses parents et ils ne se fâcheraient pas contre elle. J'ai tenté un peu maladroitement de lui faire un câlin et puis nous sommes sorties. Là, j'ai pu discuter avec la maîtresse, qui était au courant de la situation et avait déjà eu une discussion avec la mère. A ce que j'ai compris (corrigez-moi si je me trompe), il est courant dans les écoles privées gabonaises de corriger les élèves et certains parents sont d'accord avec ces méthodes d'éducation. Ce n'est pas la façon de faire de la maîtresse, qui a tenté d'expliquer à la maman de la petite que les enfants ne peuvent pas apprendre dans la peur. Cela n'a pas suffit, apparemment.
Le Gabon a signé la Convention des Droits de l'Enfant en 1994. Dans l'article 19, il est dit que l'Etat doit protéger l'enfant contre toute forme de violence et de brutalités physique ou mentale. Je suis allée sur le site officiel du Gabon ce soir, en cherchant des réponses, pour savoir vers qui me tourner, savoir quoi faire pour soulager ma petite élève. Je n'ai rien trouvé.
Sur le chemin du retour, j'ai revu en pensée tous ces enfants qui mendient quelques pièces ou un croissant à la sortie des supérettes de POG, ceux qui passent leur journée à guider un oncle aveugle au lieu d'aller en cours, ces filles qui m'ont confié devoir faire toutes les tâches ménagères à la maison ... Qu'est-ce que cela cache réellement ? Combien d'enfants sont concernés par la maltraitance ici ? Y'a-t-il des associations qui peuvent les aider comme en France La voix de l'enfant ou L'enfant bleu ? Un numéro spécial comme le 119 français ?
J'ai aussi réalisé à quel point je prenais un peu trop cette heure du vendredi à la légère. Peut-être qu'avec des exercices plus adaptés, ma petite élève pourrait faire de réels progrès et éviterait ainsi les coups ?
Avant que je ne parte, elle est encore revenue me voir. Nous sommes restées un moment l'une à côté de l'autre. Elle m'appelant au secours sans un mot, et moi parlant et parlant sans cesse, essayant de la rassurer, de lui poser des questions sur ses amies pour lui changer les idées ... Mais qu'y avait-il à dire ?